Lettre ouverte: Protégez les enfants contre le marketing pour les sucreries!

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L’Alliance Alimentation et Santé s’engage depuis de nombreuses années pour la protection des groupes de consommateurs les plus vulnérables et donc des enfants et adolescents. Elle regroupe des organisations actives dans le domaine de la santé et de l’alimentation, et de ce fait de la protection des consommateurs. L’Alliance craint vivement que la protection des enfants contre la publicité excessive pour des aliments malsains pour enfants ne soit pas reprise dans le cadre de la révision de la loi sur les denrées alimentaires (LDA). Les mesures pour protéger les plus jeunes contre les effets néfastes du marketing devraient pourtant aller de soi – elles se fondent sur les droits de l’enfant internationalement reconnus (World Health Organization and the United Nations Children’s Fund (UNICEF), 2023).

Les causes d’une alimentation déséquilibrée sont multiples. Il faut donc une approche multifactorielle pour les aborder. La restriction de la publicité pour des produits malsains destinés aux enfants est, d’après les études de l’OMS, une mesure particulièrement efficace et avantageuse. La Norvège, où une interdiction de publicité vient d’être mise en vigueur, montre que c’est possible. Elle s’applique pour les jeunes jusqu’à 18 ans et est également acceptée par l’industrie.

En Suisse aussi, il est urgent d’agir dans ce domaine:

  • Aujourd’hui, 15% des enfants et adolescents sont en surpoids ou même obèse. Cela concerne particulièrement ceux qui grandissent dans un foyer à faible niveau d’instruction (Herter-Aeberli, 2018).
  • Une enquête des organisations de consommateurs réalisée en 2022 a montré que 94% des aliments dont le design de l’emballage s’adresse aux enfants présentaient une teneur élevée en graisse, en sel et en sucre (produits HFSS – High in Fat, Sugar & Salt). L’étude «Kindermarketing für ungesunde Lebensmittel im Internet und TV» de l’Université de Hambourg montre que les enfants de 3 à 13 ans qui utilisent l’Internet et la télévision voient quotidiennement en moyenne 17 spots publicitaires/Ad-Impressions (Effertz, 2021). 92% font la promotion de produits HFSS. La situation en Suisse est similaire comme l’a montré l’étude KIWI 2 (Alliance des organisations des consommateurs & ICH, 2012).
  • La consommation de sucre en Suisse atteint environ 110 g par jour et par tête, ce qui est nettement trop. L’OMS recommande au maximum 50 g. En Suisse, on ne dispose pas de données spécifiques sur la consommation de sucre chez les enfants. Des enquêtes réalisées dans d’autres pays européens montrent toutefois pour ce groupe d’âge des valeurs généralement encore plus élevées que chez les adultes. Cela s’accompagne d’un risque de maladies secondaires telles que l’obésité, les caries dentaires et, à plus long terme, les problèmes de santé chroniques de type cardiovasculaire, métabolique et autres (Wölnerhanssen, 2023).
Dans son étude, l’Université de Hambourg parvient à la conclusion que le développement de comportements alimentaires malsains et encourageant l’obésité dans l’enfance est un facteur causal fort pour une charge de morbidité à l’âge adulte et essentiellement causé par le marketing de l’industrie alimentaire visant les enfants (Effertz, 2021).

L’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires s’engage pour une réglementation du marketing visant les enfants. Un rapport mandaté par l’OSAV montre clairement la nécessité de restreindre le marketing: les enfants de 4 à 9 ans – c’est-à-dire le groupe le plus jeune et le plus vulnérable – sont particulièrement exposés aux publicités alimentaires (Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires, 2023).

Le marketing fait son effet chez les enfants et adolescents, notamment parce qu’ils ne sont pas capables d’identifier la publicité comme telle et de comprendre ses intentions. Les messages publicitaires pour les produits HFSS sont intégrés dans l’offre de divertissement des réseaux sociaux et de plus en plus propagés par les influenceurs. Une enquête réalisée par la Fédération romande des consommateurs (FRC) l’illustre en prenant l’exemple de TikTok (Imsand/Eggenberger, 2024). À cela s’ajoute que la publicité en ligne et notamment le marketing par les influenceurs n’est soumis à aucun marquage, comme l’ont montré une douzaine de plaintes d’associations de consommateurs.

Il est avéré que les mesures volontaires de l’industrie ne sont pas suffisantes et se fondent en partie sur des valeurs nutritives limites fixées arbitrairement qui empêchent une limitation efficace. Les dépenses publicitaires des entreprises sont un signe indéniable que la publicité atteint son objectif et encourage de manière ciblée des comportements d’achat et alimentaires malsains et dangereux pour la santé: en 2022, ces dépenses ont atteint 6926 millions de francs (Media Focus, 2023).

L’Alliance Alimentation et Santé vous demande, Madame la Conseillère fédérale Baume-Schneider, de tenir compte de ces aspects dans l’intérêt des enfants et de leur (future) santé dans le cadre de la révision à venir de la loi sur les denrées alimentaires.

Le Conseil fédéral doit disposer d’un outil lui permettant de combattre à l’avenir les excès du marketing pour les produits alimentaires HFSS. Les mesures pour protéger les enfants contre les effets nuisibles du marketing doivent se fonder sur les droits de l’enfant. Sans un tel outil, l’idée de prévention est réduite à l’absurde.